Amazon: un boycott peut-il vraiment faire la différence?

Marketing

Amazon a annoncé qu’elle fermerait prochainement ses sept entrepôts au Québec, entraînant la suppression de près de 3500 emplois au total, selon un article de Radio-Canada publié ce matin.

Barbara Agrait, porte-parole d’Amazon, précise que cette décision n’a pas été prise à la légère:

«À la suite d’un récent examen de nos activités au Québec, nous avons constaté que le retour à un modèle de livraison par des tiers, soutenu par de petites entreprises locales, semblable à celui que nous avions jusqu’en 2020, nous permettra d’offrir le même excellent service et de faire réaliser encore plus d’économies à nos clients à long terme» (cité par Annabelle Caillou du quotidien Le Devoir)

En réponse à cette décision, plusieurs Québécois et certains journalistes ont exprimé leur mécontentement et, dans certains cas, ils ont même appelé au boycottage d’Amazon.

Cette réaction n’est pas sans rappeler un précédent au Québec. En 2004, Walmart avait fermé un magasin à Jonquière. Il s’en était suivi une campagne de boycottage qui n’avait pas donné de résultats concrets.

C’est que dans les faits, et contrairement à une opinion largement répandue, les campagnes de boycottage échouent dans la majorité des cas. Selon la recherche, trois facteurs clés expliquent cette inefficacité :

  1. Les habitudes des consommateurs: plusieurs personnes expriment leur soutien à un boycott en ligne ou verbalement, mais changent rarement leurs habitudes d’achat de façon définitive. Le confort, la familiarité avec une marque et l’absence d’alternatives équivalentes freinent souvent le boycottage.

  2. La pression médiatique: les campagnes de boycottage dépendent souvent d’un battage médiatique temporaire. Une fois que l’attention médiatique diminue et que les médias passent à autre chose, la plupart des consommateurs retournent à leurs habitudes normales.

    Selon Klein, Smith et John, les boycottages ont rarement un impact économique à long terme sur les entreprises ciblées, principalement parce que les consommateurs ont souvent du mal à maintenir un changement de comportement d’achat à long terme.

  3. La force financière des grandes entreprises: Les grandes multinationales comme Amazon, Facebook ou Google disposent de ressources considérables pour surmonter les boycottages, notamment via des campagnes de publicité, de relations publiques et de promotion.

Est-ce à dire que les campagnes de boycottage ne fonctionnent jamais? Non, pas tout à fait.

Bien que rares, certaines campagnes de boycottage parviennent parfois à avoir un impact significatif. Un exemple marquant est celui de la Bud Light en 2023. J’en avais d’ailleurs parlé dans cette entrevue au 98,5 FM.

Après une collaboration avec une influenceuse, les ventes de Bud Light ont chuté de manière significative pendant plusieurs mois, et la marque a perdu sa place de leader du marché de la bière aux États-Unis de façon définitive.

Il faut dire que, dans ce cas précis, la nouvelle responsable de la commercialisation de la Bud Light avait multiplié les erreurs marketing: fin de l’exclusivité de Budweiser au Super Bowl, repositionnement de la marque, abandon des fameux chevaux emblématiques de la marque, réduction du budget publicitaire, mépris ouvert à l’égard des consommateurs du produit et de la compétition, etc.

Sans surprise, les consommateurs mécontents avaient rapidement trouvé des alternatives similaires sur le marché, ce qui a facilité leur engagement dans le boycott de la Bud Light.

Dans le cas d’Amazon, reconnaissons que les alternatives existent, mais que l’expérience d’achat n’est pas toujours à la hauteur: interface du site, prix des produits, diversité des produits, suivi des commandes, rapidité de la livraison, etc.

Je me permets aussi de rappeler que des milliers d’entreprises québécoises vendent déjà leur produit sur Amazon avec beaucoup de succès.

Au-delà des ventes et des habitudes de consommation, cette décision d’affaires d’Amazon soulève une question plus préoccupante à mon avis: l’image que cette annonce impliquant un géant des technos pourrait renvoyer aux investisseurs étrangers.

Concrètement, est-ce que le Québec est une juridiction où il est difficile de brasser des affaires?

Une telle perception pourrait dissuader de futurs investissements, freinant ainsi le développement économique de la province.

D’autant plus qu’on parle ici d’une nouvelle qui a été couverte par la presse d’affaires à l’échelle mondiale, entre autres, le CNBC (TV et site internet), le New York Times, Barron’s et Morningstar.

Sur le plan des relations publiques et de l’image du Québec, on parle d’un désastre…

(Note : Ce texte est extrait de l’Infolettre marketing de Luc Dupont, diffusée par courriel chaque semaine. Dans cette newsletter, Luc Dupont propose une revue complète des actualités en marketing, médias, communication et publicité. Le cas échéant, certains articles sont repris ici ultérieurement. Pour vous abonner)