Est-ce que c’est plus difficile pour une femme d’être en politique ?
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À l’aube d’une campagne électorale qui promet d’être enlevante, après les contestations du leadership de Madame Pauline Marois à la tête du Parti Québécois, les sondages, les démissions et les déclarations chocs de plusieurs membres de son caucus, je crois que la question se pose (même si c’est toujours délicat) : est-ce que c’est plus difficile d’être en politique pour une femme que pour un homme ?
Pour répondre à cette question d’actualité, je puise dans le mémoire de maîtrise de l’une de mes étudiantes en communication de l’Université d’Ottawa, Caroline Dauphinais. En 2010, cette étudiante brillante s’est posé cette question d’actualité en se penchant plus particulièrement sur le rôle du sexe des candidats en marketing politique : perception, image, couverture médias, etc.
Dans un premier temps, Madame Dauphinais a identifié les études universitaires existantes sur le marketing politique au féminin. Par la suite, dans son mémoire intitulé « Le marketing politique au féminin », elle a analysé le contenu des documents colligés en fonction des 4 P du modèle « marketing-mix » élaboré par Jerome McCarthy. Voici donc, en résumé, ce qu’elle a découvert* :
Selon Dervuille et Pionchon (2005 : 78), « [il y a] aujourd’hui encore, dans l’esprit d’une majorité de citoyens et d’acteurs politiques des deux sexes, la prégnance de représentations sociales qui sont largement antagonistes avec l’engagement politique au féminin ».
Mosconi estime que les femmes évoluent en campagne sous un double standard, c’est-à-dire que les attentes de la société diffèrent en fonction du sexe du candidat/chef (Mosconi, 2004 : 3). Ces attentes différentes seraient organisées selon les stéréotypes reliés au sexe des politiciens.
Manon Tremblay, professeure à l’Université d’Ottawa, précise que l’électorat évalue les femmes et les hommes en politique en fonction de leurs traits de caractères et des stéréotypes constitutifs des genres féminins et masculins (2008 : 61). Ainsi, les hommes sont perçus comme étant « plus compétents en économie, dans les travaux publics, les affaires étrangères et militaires et dans la gestion des ressources naturelles » (Tremblay, 2008 : 62).
Du côté des politiciennes, elles sont perçues comme étant plus près de la population et compétentes dans les portefeuilles de l’éducation, la culture, les services à la communauté, les soins aux enfants, aux personnes âgées et aux handicapés. Madame Tremblay note également qu’il y a des « zones mitoyennes comme les communications, l’environnement, la justice et le tourisme » (2008 : 62).
Comment expliquer cet écart dans le rôle des uns et des autres ? Selon Lawless « les enjeux et les traits associés aux femmes sont liés au domaine traditionnel de la famille, alors que les expertises politiques et les caractéristiques associées aux hommes tendent à être visibles dans la sphère publique » (Lawless, 2004 : 480).
À cet égard, les politiciennes seraient donc dans une voie sans issue : « selon laquelle les candidates agressives et affirmées apparaissent comme non-féminines, et par conséquent, inacceptables en politique, mais celles qui assurent leur féminité sont jugées comme étant inefficaces » (Hitchon, Chang & Harris, 2001: 50)
Comme l’écrivait il y a quelque temps Vincent Marissal en parlant de Pauline Marois (et qui tend à confirmer les observations ci-dessus) : « J’ai toujours eu beaucoup de respect pour l’engagement de Mme Marois (qui ne l’a pas facile et qui pourrait fort bien vivre sans la politique) et j’ai souvent noté qu’on l’attaquait pour toutes sortes de mauvaises raisons (parce qu’elle est une femme, parce qu’elle est riche, parce qu’elle est trop élégante, parce qu’elle ne parle pas assez de souveraineté…)
Déjà à l’époque où elle tenait le rôle de la Première dame américaine, les critiques reprochaient à Hillary Clinton une image incohérente et un manque de personnalité. On se demandait qui était la vraie Hillary Clinton. Dans la presse, le tailleur-pantalon qu’elle portait jour après jour faisait même douter de sa capacité à tenir le rôle de présidente.
En 2008, durant la course à la chefferie du Parti démocrate, on se souviendra qu’on a commenté abondamment sur le visage de Madame Clinton (est-ce qu’elle serait trop vieille pour être présidente ?) avant de s’intéresser aux larmes versées lors d’une rencontre avec ses suporteurs et les médias.
En résumé, rappelle Caroline Dauphinais, il semble que les médias soient intéressés par la candidature des politiciennes essentiellement parce qu’elles font de bonnes histoires.
« En cadrant les nouvelles d’après une logique basée sur la productivité, les médias reproduisent généralement les stéréotypes de genres et en s’appuyant sur cette logique de bon sens renforcent l’inclusion limitée des femmes dans la sphère publique » (Roncarolo, 2000 : 117).
En d’autres mots, tout se passe comme si les politiciennes étaient mises sur un piédestal avant d’être rejetées. Accueil initial enthousiaste, puis rejet dans un deuxième temps. Parlez-en à Kim Campbell et Hilary Clinton…
* Je tire ce texte directement du mémoire de Madame Dauphinais et je la remercie de m’autoriser à le faire.