Le problème avec les sondages en campagne électorale
Marketing politique
En répartissant les discrets à la proportionnelle dans chacun des sondages de la présente campagne, les sondeurs commettent probablement un impair.
L’expérience passée est pourtant riche d’enseignement. À une exception près (l’élection de 2003 au Québec), un pourcentage significatif de discret votera au final pour le parti Libéral : autour de 50 %, parfois davantage. C’est sans compter la tendance des anglophones et des allophones discrets à voter massivement pour le Parti libéral au Québec.
(Dans le cas des deux référendums québécois, cette marge est encore plus importante : jusqu’à 75 % des discrets voteront au final pour le camp du NON.)
Tout au long de cette campagne et de la précédente, la professeure Claire Durand(1) du département de sociologie de l’Université de Montréal a mis en garde ses lecteurs contre le danger de la répartition proportionnelle des discrets dans son blogue et dans cet article publiés sur le site LaPresse.com.
Comme le rappelle Pierre Drouilly, sociologue électoral à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) : « Lorsqu’on effectue un sondage, il y a toujours une proportion non négligeable de gens qui refusent de répondre à certaines questions. »
« L’analyse des sondages montre, de manière récurrente, que le profil socio-démographique des répondants discrets n’est pas le même que celui des répondants qui expriment leurs intentions de vote. »
« On retrouve plus de répondants discrets parmi les femmes, les personnes âgées, les personnes faiblement scolarisées, celles ayant des bas revenus, en milieu rural plus qu’en milieu urbain, et parfois parmi les non-francophones. Or tous ces groupes ont en général tendance à appuyer plus fortement les partis politiques fédéralistes. »Or, dans la présente campagne, ces trois groupes cibles (femmes, gens âgés de 65 ans+ et non francophone) favorisent le parti Libéral selon la maison de sondages Léger (voir diapositive à la page 6).
« C’est le même phénomène, souvent appelé «prime de l’urne», qui fait que, dans toutes les consultations électorales depuis 1970 sauf une, le Parti libéral obtient davantage, le jour du vote, que ce que les derniers sondages précédant le vote lui attribuent par cette méthode de répartition proportionnelle. » (2)
D’ailleurs, comme l’indique Daniel Leblanc, journaliste à l’Actualité, c’est grâce à un modèle élaboré par le sociologue et sondeur Pierre Drouilly que le Bloc Québécois a compris qu’une véritable hécatombe se dessinait pour le parti souverainiste fédéral lors de l’élection de 2011 au Canada. (3)
En espérant que les résultats de la présente élection confirmeront les décisions prises par les sondeurs – répartir proportionnellement les sondés. C’est dans l’intérêt de tous les partis, des maisons de sondages et des électeurs.
Sources :
(1) Par ailleurs, Claire Durand ne fait pas confiance aux enquêtes internet. « On peut penser que les électeurs libéraux, plus âgés, sont sous-représentés de deux ou trois points dans ces échantillons », disait-elle en entrevue à Denis Lessard du quotidien La Presse le 25 février dernier.
(2) Pierre Drouilly, « Sondages: le PLQ est en meilleure posture qu’il n’y paraît », Le Devoir, 6 mars 2007, p. a7.
(3) Daniel Leblanc, « Les dernières heures d’un chef », L’Actualité, 15 juin 2011, p. 28.