QUB: quand la radio se réinvente à la télévision

Télévision

QUB radio est offert depuis le 11 janvier à la télévision, avec la même grille horaire et les mêmes animateurs et animatrices.

En syntonisant la version télé de QUB, vous pourrez voir à l’œuvre les animateurs vedettes de QUB radio, soit Benoit Dutrizac, Richard Martineau, Mario Dumont, Alexandre Dubé, Mathieu Bock-Côté, Yasmine Abdelfadel et Sophie Durocher.

Le Groupe TVA a promis une chaîne spécialisée unique en son genre au Québec, dotée d’une facture visuelle distincte, donnant accès à l’atmosphère du studio de QUB radio. Selon Guillaume Picard de QUB radio: “On présentera de façon décontractée du contenu télévisuel authentique, sans prétention, et en misant sur l’impression d’être à la même table que [ces] têtes d’affiche.”

Ce phénomène de la radio à la sauce télévision n’est pas nouveau. Comme le précise Mario Girard, journaliste à La Presse: “Le phénomène de la radio visuelle est apparu au début des années 2010, mais connaît un formidable essor depuis quelques années.”

Howard Stern, un animateur de radio américain bien connu, a également joué un rôle significatif dans le passage de la radio à la télévision. En 1994, il a signé un contrat avec E! Entertainment Television pour diffuser son émission de radio, «The Howard Stern Show», en direct à la télévision.

“Aujourd’hui, écrit Mario Girard, la plupart des grands réseaux de radio, publics ou privés, possèdent des studios munis de caméras. Ces radios exploitent l’aspect visuel pour offrir des émissions sous forme de balado ou créer un buzz sur les réseaux sociaux.”

Les stations radiophoniques qui choisissent de faire le saut à la télévision pour diffuser leurs émissions le font pour plusieurs raisons stratégiques. Dans le cas de QUB, voici les facteurs qui expliquent ce passage à la télé:

  1. Diversification des audiences: Que ce soit pour s’informer, se divertir ou socialiser, les Québécois sont parmi les plus grands consommateurs de télévision au monde, regardant en moyenne, autour de 30 heures de télévision par semaine. En faisant le saut à la télévision, QUB radio pourra atteindre de nouvelles paires d’oreilles et ainsi rejoindre des gens qui ne consomment pas nécessairement la radio numérique de Groupe TVA.

  2. Monétisation accrue/nouveaux partenariats: La télévision peut ouvrir la voie à des partenariats avec d’autres entreprises. Au Québec, les grands annonceurs privilégient encore la télévision. Ce n’est pas un hasard. Selon le légendaire David Ogilvy, “La télévision est apparue comme le plus puissant médium pour vendre la majorité des produits[1]”, ce que confirment plus récemment des études de MarketShare[2] et de CBS[3].

  3. Évolution des médias: “C’est un lieu commun de dire que la télévision a évolué, rappelle Jean-Paul Lafrance[4].” Le public d’aujourd’hui consomme du contenu de différentes manières. Avec l’évolution rapide des technologies et des habitudes de consommation des médias, les stations cherchent à multiplier leurs plateformes de diffusion et la nouvelle stratégie de QUB (radio+télé) s’inscrit dans cette logique: téléphone intelligent, médias sociaux, plateformes comme YouTube et X (Twitter), etc.

  4. Contenu visuel: La télévision offre une plateforme pour améliorer l’expérience des auditeurs en leur fournissant du contenu visuel en plus du son. À cet égard, la télévision est le seul média qui vous permet d’utiliser l’image, le mouvement, la couleur et le son, ce qui confère à la communication un pouvoir quasi magique.

    À cet égard, et à l’instar du journaliste Mario Girard, on peut se demander si la présence de caméra changera le style des animateurs en studio, une radio d’opinions?

    Or, selon le journaliste Mario Girard de La Presse: “une étude d’une chercheuse française qui s’est intéressée à la présence des caméras dans les studios de France Inter. Celle-ci en vient à la conclusion que la vidéo change le style des animateurs, journalistes et commentateurs. Le fait d’être filmé modifie le comportement et les propos des personnes en studio (rythme, intensité de la voix, contenu). De plus, cela aurait un impact sur la relation avec les invités. La liberté de leur propos serait affectée par la présence des caméras. Bref, pour les animateurs qui ne connaissent pas déjà le pouvoir de l’image, ce changement peut avoir un impact. Ne l’oublions pas, on reconnaît davantage au supermarché un animateur qui fait de la télé que celui qui est à la radio.”

  5. Deuxième écran: dans le futur, il faudra voir si le phénomène du «deuxième écran» (télévision et médias sociaux) pourra donner un second souffle à la “radio avec des images”.

    Un sondage d’Ericsson indique que 64% des spectateurs de télévision ou de vidéo sur demande visionnent du contenu, au moins une fois par semaine, en même temps qu’ils naviguent sur un deuxième écran.

    L’enquête révèle aussi que les spectateurs utilisent principalement un deuxième écran pour trois raisons: découvrir du contenu similaire à l’émission visionnée, en discuter sur les réseaux sociaux ou regarder plusieurs émissions à la fois.

  6. Renforcement de la marque: La télévision rehausse l’image de votre produit auprès des consommateurs. Elle donne de la crédibilité à votre marque.

  7. Concurrence et différenciation: on comprend que la télévision change parce qu’elle est soumise à des révolutions technologiques (numérisation, arrivée de la télécommande, du magnétoscope numérique, d’internet, de la mobilité, du HD et des appareils mobiles) et économiques (création de sites comme YouTube et de nouveaux médias tels Netflix, fondée en 1997 et implantée au Canada depuis l’automne 2010).

Personnellement, je pense que QUB aurait dû être offert gratuitement sur le forfait de base de Videotron (du moins au début), d’autant plus que je soupçonne que l’objectif premier du Groupe TVA est d’augmenter la portée de QUB radio—autrement dit, augmenter le pourcentage des auditeurs de QUB en s’appuyant sur une plateforme qui reste populaire au Québec—la télévision traditionnelle.

Soyons francs: dans le contexte économique actuel et avec la multiplication des plateformes de streaming, et donc des abonnements, la réaction de plusieurs auditeurs/téléspectateurs potentiels consistera à dire que l’abonnement payant n’est pas une option, d’autant plus que le produit est déjà disponible sans frais sur internet. Ce faisant, on sera passé à côté de l’objectif initial. Un rendez-vous manqué?

(Note : Ce texte est extrait de l’Infolettre marketing de Luc Dupont, diffusée par courriel chaque semaine. Dans cette newsletter, Luc Dupont propose une revue complète des actualités en marketing, médias, communication et publicité. Le cas échéant, certains articles sont repris ici ultérieurement. Pour vous abonner)

Sources:

[1] Ogilvy, David (1983), La publicité selon Ogilvy, Paris, Dunod, p. 7.

[2] Lynch, Jason (2015), « Why TV is still the most effective advertising medium », Adweek, http://www.adweek.com/tv-video/why-tv-still-most-effective-advertising-medium-165247/

[3] Lynch, Jason (2015), « TV trmps digital in spending and reach », Adweek, http://www.adweek.com/tv-video/tv-nets-advertisers-stick-us-heres-why-165342/

[4] Lafrance, Jean-Paul (2009), La télévision à l’ère d’Internet, Montréal, Septentrion, p. 11.